SMIC réévalué & minima conventionnel : quel impact sur les services paie ?

SMIC réévalué impact sur les services de paie

Au 1er janvier 2024, le SMIC (Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance) a augmenté  de 1,13%, passant à 1 398,69 € nets mensuels pour un salarié effectuant 35 heures par semaine (151,67 heures par mois). Il s’agit de la 6ème augmentation du salaire minimum depuis début 2022.

 

SMIC réévalué : des augmentations qui impactent les services paie

Ces augmentations successives ont très largement impacté les services paie ainsi que les paramétrages des logiciels destinés à la production de la paie, puisqu’elles influent sur de nombreux facteurs de calculs, notamment les modalités de calcul légales des salaires d’apprenti ou de contrat de professionnalisation, mais aussi les bases de calcul de la réduction générale de cotisations (ex-Fillon), pour ne citer que quelques exemples.

Il existe, parallèlement, un autre impact de ces augmentations du SMIC sur les modalités de rémunération des salariés, en lien avec la notion de salaire minimum conventionnel (SMC) : en effet, appliquer le SMIC est une chose, mais les entreprises doivent également appliquer les salaires minimaux définis par les conventions collectives, pour peu qu’elles soient adhérentes à une convention collective naturellement, soit 15,8 M de salariés du secteur privé en France. Et, en sus, l’application de ces minima conventionnels doit être réalisée sous réserve du respect du SMIC : à chaque augmentation du SMIC, il est obligatoire pour chaque entreprise de vérifier si les plus petits niveaux de classification de la collection collective dont elle est adhérente ne sont pas devenus inférieurs à ce montant. Si tel est le cas, c’est le montant du SMIC qui est appelé à prévaloir tant qu’un avenant à la convention collective n’aura pas réévalué les minima. Cette comparaison systématique doit, au mieux, être paramétrée en standard dans le logiciel de paie, sinon elle entraînera une charge de contrôle et de forçage manuel supplémentaire pour les gestionnaires de paie lors de chaque calcul de paie mensuel.

 

Conférence Sociale : révision de la grille de salaire de plusieurs branches professionnelles 

Le 16 octobre 2023, lors de la Conférence Sociale, plusieurs mesures avaient en effet été annoncées afin de contraindre les branches professionnelles dont un ou plusieurs minima conventionnels sont inférieurs au SMIC de réviser leurs grilles de salaire. Le Ministère du Travail en dénombrait alors 60, dont une dizaine avec des grilles de salaire « structurellement » en non-conformité. Toutes les branches dans ce cas devaient être convoquée par le Ministre « pour qu’elles s’expliquent sur leur retard », et, si aucun « progrès significatif » n’était visible d’ici le 1er juin 2024, le gouvernement serait appelé à déposer un projet de loi permettant de calculer les exonérations de cotisations sociales non pas sur la base du SMIC, mais sur la base des minima de branche pour celles qui ne seraient pas en conformité, d’où une perte potentielle extrêmement importantes en termes d’effet de la RGCS (ex-Fillon) pour les entreprises concernées, ainsi qu’une charge de paramétrage subséquente pour les services paie.

Un premier bilan de ces annonces a été dressé en cette fin d’année : comme convenu, un courrier a bien été adressé par le Ministre du Travail Olivier Dussopt à tous les partenaires sociaux des branches concernées, soit 39 sur les 171 branches recensées au 17 novembre (jour de l’envoi des lettres), contre 60 au jour de la Conférence Sociale. Une partie d’entre elles (dont le chiffre n’a pas été communiqué par le Ministère) sera reçue par le Ministre, son Cabinet ou la Direction Générale du Travail d’ici à la fin janvier 2024, et elles devront préciser les actions qu’elles comptent mettre en œuvre pour procéder à leur mise en conformité.

Les branches professionnelles concernées sont les suivantes :

Identifiant de la branche (IDCC)Nom de la brancheNombre de salariés
2098Prestataires de services du secteur tertiaire179 100
1396Produits alimentaires élaborés industrie49 500
1383Quincaillerie (commerces)22 800
1557Sport équipement loisirs (commerces)70 200
303Couture région parisienne8 900
2264Hospitalisation privée281 500
1631Hôtellerie de plein air13 100
1391Manutention nettoyage aéroport RP5 700
2089Panneaux à base de bois5 000
2372Distribution directe27 000
1794Institutions de retraites complémentaires29 400
2060Cafétérias12 100
2257Casinos14 300
2366Foyers de jeunes travailleurs5 900
44Chimie industrie225 800
2156Grands magasins et magasins populaires34 300
500Habillement mercerie17 500
1760Jardineries graineteries (commerces de gros)19 400
454Remontées mécaniques13 400
1411Ameublement fabrication37 500
1285Artistiques et culturelles entreprises27 000
2272Assainissement et maintenance industrielle13 300
2002Blanchisserie33 700
1947Bois d’oeuvre et dérivés négoce7 400
1606Bricolage85 000
1486Bureaux d’études techniques1 122 700
45Caoutchouc (industrie)48 200
3236Industrie et services nautiques14 000
1611Logistique communication directe7 900
3216Matériaux de construction négoce75 800
2190Missions locales et PAIO14 000
1492/3238Papier carton production (OEDTAM)20 200
1495/3238Papier carton transformation (OEDTAM)20 200
759Pompes funèbres24 400
3017Ports et manutention15 900
1909Tourisme organismes à but non lucratif13 800
1413Travail temporaire (salariés permanents)44 000
1534Viandes (industrie commerce de gros)45 600
1710Voyages (agences)28 900

(Pour évaluer cette conformité, seuls sont pris en compte les bas de grilles et non les diverses primes).

Par ailleurs, parmi les branches récalcitrantes, 11 d’entre elles ont été convoquées en commissions mixtes paritaires, en présence d’un représentant du ministère du travail comme le permet l’article L.2261-20 du code du travail, ce qui permet de lever certains blocages ou difficultés.

Des mesures pour contraindre les branches les moins compliantes 

Au-delà de ces actions de concertation, des mesures plus contraignantes sont clairement envisagées par le gouvernement face aux branches les moins compliantes :

  • La loi sur le pouvoir d’achat du 16 août 2023 et le décret du 14 février 2023 permettent désormais au ministère du travail de fusionner administrativement une branche avec autre dès lors qu’est constatée dans la première une faiblesse du nombre des accords ou avenants signés, notamment ceux assurant un salaire minimum national professionnel, au moins égal au Smic et du nombre des thèmes de négociations couverts. Une branche a été identifiée par le ministère du travail comme remplissant ces critères, celle des casinos, qui a pourtant été alertée à deux reprises, en mai et en octobre. La procédure de fusion est donc engagée. Cette procédure a d’ailleurs été engagée pour la branche des casinos (procédure engagée par un courrier du Ministère du Travail en date du 16 mai).
  • Enfin, s’agissant de la sanction qui pourrait être mise en œuvre dès le mois de juin 2024, comme annoncé par la Première ministre lors de la conférence sociale, à savoir un calcul des exonérations de cotisations sociales non pas sur la base du Smic, mais sur la base du minima de branche pour celles qui ne sont pas en conformité, l’idée est toujours dans les tuyaux. Il conviendra alors de trouver un véhicule législatif adapté, fait-on savoir au cabinet du ministre du travail.

Un nouveau bilan à venir

Un nouveau bilan sur les actions engagées depuis la conférence sociale devait être dressé le 11 décembre à l’occasion de la réunion du comité de suivi des négociations salariales de branche. Il permettra également de faire un point sur les négociations sur les grilles de classification. En effet, l’ANI sur le partage de la valeur, puis la loi qui l’a transposé – toujours en attente de publication au Journal officiel – prévoit une négociation « en vue de l’examen de la nécessité de réviser les classifications en prenant en compte l’objectif d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et de mixité des emplois ». Ces négociations doivent être ouvertes avant le 31 décembre 2023 dans les branches n’ayant pas procédé à cet examen depuis plus de cinq ans.

L’impact des augmentations du SMIC, dont le calcul est automatique en fonction de l’inflation, ne manque pas de peser sur la hiérarchie des rémunérations minimales des conventions collectives et risque d’impacter de façon très marquante les services paie au cours de l’année 2024, tant par l’obligation de forçage et de contrôle pour les entreprises relevant des conventions aujourd’hui non-conformes, que par les risques de fusion de branche voire de modification des règles du calcul des différentes formes d’exonérations de cotisations sociales qui pèseront lourdement sur les activités de veille et de mise à niveau des outils de paie au regard des nouvelles règles (paramétrage, recette…).

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