Le développement du recrutement digital : quand la technologie se substitue au rôle du recruteur ?

Avec les évolutions du marché du travail, des technologies comme l’intelligence artificielle et la robotisation, les relations professionnelles évoluent continuellement. Pour 56% d’entreprise, la transformation digitale est une opportunité à ne pas laisser passer. Cela a des conséquences sur le comportement interne et externe de l’entreprise et sur les relations qu’elle entretient avec les différents acteurs composant son environnement.

Qu’en est-il des ressources humaines et plus particulièrement du recrutement ?

Aujourd’hui 66% des recruteurs utilisent les outils SI de recrutement dans leurs missions au quotidien, ces solutions proposent d’automatiser des tâches jugées simples et peu intéressantes. On peut détailler ce chiffre en précisant que cela englobe les ATS (Applicant Tracking System) qui est un système permettant de suivre le parcours des postulants sur une offre d’emploi ainsi que les outils de Multi-Posting. De même, on constate aujourd’hui l’émergence de nouveaux procédés avec les tendances digitales : « le Post&Pray » : ce système consiste à programmer sur internet la publicité d’offres d’emploi intelligemment en ciblant des candidats n’étant pas en recherche active mais correspondant au profil recherché par les employeurs.

Le recrutement ne se résume plus à la réception de CV et a de simple échanges par mail avec les candidats. Aujourd’hui les pratiques liées au recrutement deviennent très (voire trop) innovante. On peut prendre l’exemple ici de l’intégration de la réalité virtuelle dans le processus de recrutement, l’exemple de l’US NAVY est intéressant : depuis qu’ils ont intégrés des expériences de réalité virtuelle de mise en situation : pilotage de tank, entraînement au combat, … leur taux d’enrôlement a augmenté de 126% ! On peut également parler des messageries instantanées qui permettent au recruteur d’échanger directement avec de potentiels candidats.

De même, le recrutement était considéré jusqu’à présent comme étant un parent pauvre des ressources humaines. Et dans le contexte actuel où la majorité des recruteurs sont confrontés à un défi de taille : une demande importante de professionnels qualifiés et une offre limitée de ces talents sur le marché du travail, la situation devient problématique (Réf. « La guerre pour le talent » livre d’Ed Michaels, Helen Handfield-Jones et Beth Axelrod publié 1997).

Des rapports humains bouleversés ?

On ne peut pas nier que l’apport de la technologie arrive donc à point nommé et ce avec de réelles solutions pour les recruteurs.  On peut même penser que l’avenir est radieux du côté des solutions digitales car l’intelligence artificielle, les solutions programmatique et robotique vont bientôt venir épauler nos recruteurs.

Cependant les nouvelles tendances ne doivent pas fragiliser les relations Recruteur & Candidat. En effet, l’on pointe souvent du doigt le décalage qu’il existe entre les employeurs et le ressenti des candidats lors d’un processus de recrutement. Et soyons lucide, le digital sert en premier lieu la productivité des recruteurs, il ne cherche pas à apporter de la transparence dans le relationnel que le recruteur essai de tisser avec les candidats.

La notion d’authenticité est de plus en plus recherchée par les candidats et l’on commence à comprendre son bénéfice sur l’image des entreprises. Si l’on s’appuie sur une étude menée par le Boston Consulting Group de 2014, ce cabinet de conseil met en évidence le rôle joué par l’image qu’une entreprise véhicule. En effet, un comportement sincère est le meilleur moyen pour une entreprise d’engager et d’attirer les talents notamment lorsqu’on pose la question à un candidat issu de la génération Y. En effet, permettre aux candidats recrutés une intégration réussie et à ceux non recrutés de conserver une image positive de leur processus de recrutement apporte de la valeur ajoutée à la marque employeur de l’entreprise.

Recruteur 3.0 : un chasseur de talents ?

Le recruteur peut dès lors « revêtir sa casquette de Commercial » et ainsi créer et entretenir des relations externes avec les candidats.  Aujourd’hui c’est vraiment sur l’aspect de marque employeur que les entreprises sont en concurrences. La diversification des canaux de recrutement rend compliqué l’identification des potentiels « talents » de demain et au premier rang duquel : les réseaux sociaux. C’est en effet en adoptant un comportement « Recruteur 3.0 » et en utilisant la marque employeur comme un levier d’action que le recruteur réussira à « dénicher » les meilleurs profils dans la jungle des réseaux sociaux.

L’évolution des relations que les individus ont vis-à-vis de l’emploi, montre que l’individualisation prends de plus en plus de place, notamment dans les parcours professionnels et les pratiques de management. Le cas du candidat est identique, aujourd’hui il recherche de la personnalisation dans son parcours de recrutement. C’est ainsi qu’on voit depuis quelques temps se démocratiser sur les réseaux sociaux professionnels (LinkedIn, Viadeo, etc…) l’apparition de pages entreprises, d’afterworks recrutement, etc… mais ces nouvelles pratiques ne peuvent se substituer à communiquer individuellement auprès des potentiels candidats.

C’est sur ce dernier point que je souhaite insister, car en effet le recruteur doit perpétuellement segmenter ses recherches de candidat pour trouver le fameux « talent » qui comblera son besoin en recrutement. Les algorithmes doivent permettre au recruteur non pas d’économiser du temps sur l’humain et rationnaliser sa perception vis-à-vis des candidats. Il doit entreprendre de développer un relationnel gagnant-gagnant avec l’ensemble des candidats prospectés pour en faire des ambassadeurs de la marque employeur de l’entreprise. Par exemple, prenons le cas d’un recruteur qui effectue une première prise de contact avec un candidat. Pendant l’entretien téléphonique, le recruteur remarque que le profil du candidat ne correspond finalement pas aux compétences actuelles recherchées. Suite à cette information, le recruteur pour ne pas « perdre de temps » interrompt de manière abrupte la discussion avec ce candidat. Cependant ce candidat possède un profil intéressant qui pourrait peut-être correspondre à de futures offres d’emplois de l’entreprise. Mais le recruteur ayant été expéditif avec le candidat, l’expérience vécue lors de la prise de contact a démotivé ce candidat et ce dernier ne souhaitera pas renouer un quelconque contact futur avec l’entreprise en question.

Prédisant par ses nombreux travaux scientifiques ce qu’allait devenir l’homme dans un futur proche, faisons-en sorte de contredire Albert Einstein lorsque ce dernier disait : « Il est hélas devenu évident aujourd’hui que notre technologie a dépassé notre humanité. ».
Il est vrai que la technologie est un bon vecteur permettant à l’homme d’améliorer sa productivité, néanmoins faisons en sorte de garder un raisonnement humain dans nos actions et prises de décisions au quotidien. Ce raisonnement s’applique également aux recruteurs, et dans un contexte technologique généralisé, il est important de garder cette notion d’humanité intacte.

Adrien BAERT

Bibliographie :